Retour vers "Situation de la Fraternité St Pierre"

Quelques données sur la crise au sein de la Fraternité Saint Pierre (1)

 

Un désaccord en matière de pastorale

Depuis au moins plusieurs mois, des désaccords se sont faits jour entre les prêtres membres de la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre (FSSP) au sujet de la meilleure attitude pastorale à adopter.

Le plus grand nombre, à commencer par les supérieurs, pensent que la plus grande urgence est de maintenir la tradition liturgique de l’Église dans toute sa richesse, partout où cela est possible. Pour cela, il est important de maintenir, dans les statuts de la Fraternité comme dans sa pratique quotidienne, le fait que ses prêtres célèbrent exclusivement dans l’ancien Rite : ils peuvent ainsi opposer les règlements de leur Fraternité à toute pression exercée en sens contraire.

Une minorité agissante, essentiellement composée de prêtres français, pensent au contraire que, pour augmenter le rayonnement de la Tradition, il ne faut pas hésiter à adopter des compromis si cela permet d’obtenir de nouveaux apostolats de la part des évêques. Le plus nécessaire de ces compromis leur paraît être la concélébration et en particulier la concélébration autour de l’évêque à la Messe chrismale du Jeudi Saint (2) .

 

La situation à Rome

D’un autre côté, il est notoire qu’à la Curie Romaine comme au sein d’un certain nombre d’épiscopats nationaux (France, Allemagne), une tendance extrêmement forte se fait sentir qui considère le Motu Proprio de 1988 comme une mesure toute provisoire destinée seulement à faciliter la transition, pour les fidèles choqués par les sacres épiscopaux de 1988 - et pour ceux-là seulement - vers un retour à la liturgie pratiquée actuellement dans les paroisses. Après onze années, cette transition doit s’achever. Cette position a été exprimée très clairement dès 1994 dans une lettre de Monseigneur Re, substitut à la secrétairerie d’État, à Monsieur Eric de Saventhem, président d’Una Voce.

 

La préparation du Chapitre général de la Fraternité

La FSSP se trouvait donc confrontée à une question prudentielle délicate. Devant l’exacerbation des tensions, le Supérieur général, Monsieur l’Abbé Bisig, décida d’anticiper à l’été 1999, une partie du Chapitre général de la Fraternité, Chapitre prévu par les constitutions pour l’an 2000. L’idée était de préparer dès cette année le contenu des constitutions définitives, qui auraient été votées l’année prochaine. Ainsi la période d’attente et de discussion, si préjudiciable dans un tel contexte, aurait pu être raccourcie d’un an.

Pour ce faire, la FSSP demanda et obtint de la Commission "Ecclesia Dei" une dispense à ses propres statuts (3).

Des élections eurent donc lieu au printemps dernier parmi les membres de la Fraternité pour désigner les participants à ce Chapitre. Or, apparemment inquiets de l’évolution de beaucoup de prêtres français, les prêtres de la Fraternité (plébiscitant par ce seul fait leurs supérieurs) choisirent de n’élire aucun représentant favorable à la concélébration.

 

La lettre à la Commission "Ecclesia Dei" de seize prêtres de la FSSP (29 iuin 1999)

Les résultats de ces élections conduisirent la tendance minoritaire à s’adresser directement à la Commission "Ecclesia Dei".

Le 26 juin 1999, 16 prêtres de la FSSP (dont 15 français) sur un total de 96, firent déposer par quelques uns d’entre eux, chez le Cardinal Felici, Président de la Commission " Ecclesia Dei ", une lettre (officiellement datée du 29 juin) dont on peut trouver le texte sur internet et dont voici un résumé en cinq points :

I/ Rome désire que le rite de 1962 (4)soit adapté aux souhaits des Pères conciliaires en tenant compte des normes générales de la Constitution conciliaire sur la liturgie(5) et des indications données par le Pape et le Cardinal Ratzinger le 26 octobre 1998 lors du pèlerinage à Rome de la Fraternité(6) .

2/ Un tiers des membres de la Fraternité souhaite cette adaptation ; le Supérieur général et deux tiers des membres s’y opposent (7).

3/ Comme exemple de cette opposition est citée la concélébration : " La concélébration autour de l’évêque quelles qu’en soient les circonstances passe pour une atteinte à l’unité de la Fraternité et un délit grave. Certains membres de la Fraternité ayant concélébré ont été sanctionnés (..). Avant la tonsure, les candidats doivent désormais s’engager à ne pas concélébrer sous peine d’exclusion. "

4/ Un tel raidissement en matière liturgique manifeste une opposition de fond à l’Église visible, à son enseignement, à sa hiérarchie. Opposition de fond entraînant une constante progression vers un esprit de séparatisme et conduisant à oublier puis à ignorer " de facto " des aspects essentiels de la vie de l’Église comme l’écoute du Magistère vivant et l’évangélisation. De cet oubli puis de cette ignorance de facto de l’évangélisation un exemple est donné : " Lorsqu’un évêque propose des paroisses territoriales moyennant quelques aménagements liturgiques indispensables pour la situation locale, l’offre s’oppose à un refus par la fidélité aux Constitutions ".

5/ En conclusion de leur lettre, les seize prêtres signataires demandent à la Commission " Ecclesia Dei " de prendre les trois mesures suivantes :

- reporter le Chapitre général prévu pour l’été 1999,

- envoyer un visiteur canonique pour la Fraternité tout entière,

- nommer d’urgence un administrateur apostolique prenant en main la destinée de la Fraternité.

 

Première réaction romaine : L’Abbé Bisig, Supérieur général de la Fraternité, dépossédé de ses pouvoirs (Juillet 99)

Le Cardinal Felici a envoyé à l’Abbé Bisig une lettre

- annulant le Chapitre général pour août 1999,

- interdisant aux supérieurs de la FSSP de déplacer sauf raison majeure des prêtres de la Fraternité. Ceci revient à rendre la FSSP ingouvernable,

- donnant l’ordre à Monsieur l’Abbé Bisig de convoquer à l’automne une réunion de tous les membres de la FSSP. Cette réunion sera présidée par le président de la Commission " Ecclesia Dei " ou un prélat nommé par lui. Ce prélat entendra toutes les parties puis prendra ses décisions souverainement. (Pour compliquer encore les choses, le président de la Commission ne sera plus à ce moment le Cardinal Felici, démissionnaire, pour raison d’âge. Son successeur n’est pas encore nommé).

 

Publication du protocole 1411/99 de la Congrégation pour le Culte Divin intitulé " Réponses Officielles " (3 Juillet 1999).

En date du 3 juillet 1999, le Cardinal Medina Estevez, préfet de la Congrégation du Culte divin et des Sacrements, a publié un document (protocole 1411/99) :

- autorisant tous les prêtres de la FSSP et des autres Congrégations, utilisant l’ancienne liturgie, à célébrer et à concélébrer la Messe selon le Nouvel Ordo,

- niant le droit aux Supérieurs de ces Congrégations d’interdire à leurs subordonnés de célébrer et de concélébrer selon le Nouvel Ordo,

- enfin et surtout IMPOSANT aux prêtres des congrégations concernées de célébrer le Nouvel Ordo dès qu’ils se trouvent " dans une communauté qui suit le Rite Romain actuel ".

Si cette dernière décision était appliquée au pied de la lettre, cela voudrait dire que par exemple un mariage ou des obsèques ne pourraient être célébrés selon l’ancien rite que dans des lieux de culte explicitement concédé par l’évêque pour cet usage - il serait impossible pour un prêtre de la FSSP de les célébrer dans une paroisse.

Deux remarques complémentaires sur ce protocole

- Il présente des " réponses officielles " de la Congrégation, mais n’est pas encore paru dans les publications officielles du saint Siège et donc n’a pas encore force de loi pour l’Église.

- Les seize prêtres nient qu’il soit le résultat de leur démarche. Et, en effet, les dates semblent leur donner raison : connaissant le mode de travail des congrégations romaines, comment une lettre datée du 29 juin, et adressée à la Commission " Ecclesia Dei ", aurait-elle pu être transmise à la Congrégation du Culte Divin, faire l’objet du travail d’extraction de trois question, puis de l’élaboration et de la rédaction de la réponse latine sans parler même de l’approbation requise et obtenue d’autres organismes - tout ceci en 4 jours ? Cependant on ne peut que constater la convergence entre l’argumentation des seize et les questions 2 et 3 du protocole (impossibilité pour les supérieurs d’interdire aux prêtres de leurs Sociétés de célébrer selon le Nouvel Ordo ni de concélébrer).

La supplique au Saint Siège des Supérieurs des Fraternités Saint Pierre et Saint Vincent Ferrier (23 juillet 1999).

Dans cette supplique, l’Abbé Bisig, Supérieur général de la FSSP et le Père Louis-Marie de Blignières, Prieur Général de la Fraternité Saint Vincent Ferrier supplient le Saint Siège de renoncer à la publication des " réponses officielles " (protocole 1411/99 du 3 juillet 1999), compte tenu des inconvénients considérables qu’elles présentent pour leurs instituts :

- elles ne respectent ni le caractère propre des instituts ni la juridiction de leurs supérieurs,

- elles ouvrent la vole à un biritualisme habituel,

- elles rendent impossible le gouvernement des instituts.

A la date du 23 septembre 1999, cette supplique n’avait encore reçu aucune réponse.

 

En conclusion : une affaire qui concerne les laïcs

Il ne faudrait pas se laisser impressionner par des arguments comme celui-ci : " la crise de la Fraternité Saint Pierre ne regarde que les clercs ; les laïcs n’ont pas à s’en mêler à quelque titre que ce soit ".

Il faut constater, au contraire, que la question intéresse les laïcs sous certains rapports.

De quoi s’agit-il ? De l’application du Motu Proprio " Ecclesia Dei " et de la survie des Fraternités fondées conformément à ce texte.

Or le Motu proprio s’adresse " à tous les fidèles qui se sentent liés à la tradition liturgique latine " et veut leur garantir " le respect de leurs justes aspirations ". La commission " Ecclesia Dei " a d’abord été instituée pour ces fidèles, pour - répétons-le leur garantir " le respect de leurs justes aspirations ". Les instituts crées par la suite l’ont été pour assurer ces garanties.

Or, la lettre des seize prêtres et plus encore les réponses de Rome suppriment partiellement ces garanties.

Ce qui est enjeu, c’est l’existence même de la liturgie traditionnelle (en dehors de la -Fraternité Saint Pie X) ; c’est l’existence même de la Fraternité Saint Pierre.

Les laïcs ne peuvent rester passifs devant une telle démolition. Ils doivent demander le " respect de leurs justes aspirations ".

 

Notes

1. Cette note doit beaucoup à une fiche de Monsieur Denis Giard, 5 septembre 1999) et en reprend textuellement de nombreux paragraphes (représentant les deux tiers du texte).

2. De telles concélébrations se pratiquent nécessairement dans le nouveau rite.

3. Il faut savoir en effet que, pour la Fraternité Saint Pierre, la Commission Ecclesia Dei remplace toutes les Congrégations romaines : le but étant d’éviter de trouver en face de soi, dans chaque Congrégation, des interlocuteurs qui ne peuvent pas toujours être conscients des particularités inévitables résultant de l’application du Motu Proprio. Par exemple : le sacrement de l’ordre, dans le rituel traditionnel, garde le sous diaconat qui n’existe plus dans le nouveau code de Droit canon.

4. Rite concédé par la lettre "Quattuor abhinc annos" du 3 octobre 1984 (dite "Indult") auquel se réfère le "Motu Proprio" du 2 juillet 1988. Rappelons qu’il s’agit là d’un texte extrêmement restrictif.

5. Normes demandant des lectures plus abondantes de la Bible et recommandant un usage plus étendu de la langue du pays.

6. Le pape a demandé aux pèlerins "que tout soit vécu dans j’esprit du Concile Vatican II, dans la pleine harmonie avec la Tradition". Le Cardinal a indiqué qu’on "violerait l’obéissance envers le Concile si l’on mettait de côté ces normes générales’ (ces textes sont cités dans la lettre du 29 juin 1999).

7. Sur les 96 membres de la Fraternité, 16 se sont prononcés pour l’adaptation.

 

 

 

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