Quelques réflexions sur l'Indult de 1984
par Le Baptistère
Contexte historique
Cet Indult est la conséquence d’une « enquête » menée dans les diocèses à la demande de la Congrégation pour le Culte Divin à partir de juin 1980 (voir colonne de gauche).
Dans le cas de la France, outre la question de la Fraternité Saint Pie X (qui est exclue du cadre donné par cet Indult), de nombreux prêtres diocésains ont conservé la Messe traditionnelle, parmi eux plusieurs Curés. Dans certains diocèses, plusieurs lieux (chapelles ou paroisses) sont concernés, ce qui est le cas, par exemple, dans les diocèses de Versailles, du Mans...
Ces prêtres, au moment où l’étude est réalisée par la Congrégation (soit entre 1980 et 1984), ne peuvent pas être ‘classés’ parmi les prêtres âgés, à qui on avait réservé le droit au moment de la publication du Novus Ordo Missae en 1969 de conserver les anciens livres liturgiques (un des cas « célèbres » fut celui de Padre Pio qui obtint de conserver la Messe de 1962 (sans adopter les modifications de 1965)). Plusieurs de ces prêtres ont d’ailleurs conservé leur charge de Curé jusqu’à un temps récent.
Bien qu’exclu du cadre de l’Indult, il est certain que le développement de la Fraternité Saint Pie X, tant de ses séminaires que de ses apostolats, est une préoccupation pour le Saint Siège. A Paris, la participation de très nombreux fidèles aux Offices de Saint Nicolas du Chardonnet peut être une source de questionnement pour l’Archevêché, alors que les églises parisiennes se vident.
Quelques éléments d’analyse
Cet Indult vise à réglementer et à harmoniser les autorisations données par les Évêques dans les diocèses : parmi celles-ci, l’Indult « Agatha Christie » donné par les évêques anglais à partir 1971 suite à la pétition de nombreuses célébrités anglaises (dont la romancière) pour obtenir le maintien de la Messe traditionnelle en Angleterre (objet d’un prochain article).
L’Indult ne comprend que la Messe, aucune mention n’est faite des sacrements (le Motu Proprio Ecclesia Dei parle de « livres liturgiques de 1962 » ce qui est donc plus large).
Il reconnaît l’attachement de certains fidèles et prêtres au rite tridentin (objet de l’Indult) pour la sanctification de leur âme. Les Évêques et le Saint Père, dans leur sollicitude pastorale, répondent donc à ce besoin. C’est un des premiers textes officiels (depuis 1969) qui reconnaît, que des fidèles souhaitent conserver l’ancienne forme liturgique, et, que leur attachement à cette liturgie doit être regardé avec bienveillance par leur Pasteur. Les textes précédents ne sont souvent que des condamnations des prêtres et des fidèles (de la Fraternité Saint Pie X) qui refusent d’accepter la réforme liturgique de 1969.
L’application de cet Indult a été très limitée. D’abord parce que le Saint Siège n’a pas employé le ton plus solennel, qu’il a pu employer dans d’autres documents (Dans le Motu Proprio, par exemple, bien qu’on ne puisse pas dire non plus que celui-ci a été appliqué avec « générosité »). Ensuite, beaucoup d’Évêques ont toujours refusé de permettre la célébration de Messe de saint Pie V dans leur diocèse, cela mettant en dehors du champ de la réforme liturgique une partie de leur troupeau.
Un Indult est toujours une concession accordée avec bienveillance par l’Évêque, malheureusement si celui-ci ne veut pas reconnaître la demande d’une partie de ses fidèles, il reste maître sur sa juridiction. Les fidèles peuvent toutefois s’appuyer sur deux articles du Code de Droit Canon :
Can. 213 - Les fidèles ont le droit de recevoir de la part des Pasteurs sacrés l’aide provenant des biens spirituels de l’Église, surtout de la parole de Dieu et des sacrements.
Can. 214 - Les fidèles ont le droit de rendre le culte à Dieu selon les dispositions de leur rite propre approuvé par les Pasteurs légitimes de l’Église, et de suivre leur forme propre de vie spirituelle qui soit toutefois conforme à la doctrine de l’Église.
La précision quant au cadre de la célébration liturgique (ans des églises ou des chapelles qui ne sont pas des paroisses) veut limiter l’Indult à une concession de Messe excluant tout apostolat paroissiale ou quasi-paroissiale (sacrements, catéchismes, apostolats divers…).
Des fidèles nous signalent fréquemment que des Évêques font encore référence à cet Indult.
Il est clair qu’il est encore plus restrictif que le Motu Proprio Ecclesia Dei. Il est surprenant que certains Évêques accordent des Messes en vertu de cet Indult aujourd’hui, alors que leurs prédécesseurs n’en ont rien fait. Le Motu Proprio Ecclesia Dei est venu préciser les termes de cet Indult et les élargir, sa forme est plus solennelle (Un « Motu Proprio » est un acte législatif du Pape pour préciser des règles d’administration ou d’organisation de l’Église, il porte la seule signature du Pape), alors que l’Indult de 1984 n’est qu’une lettre de la Congrégation pour le Culte Divin.
Cet Indult a été une « bouée » placée au milieu de l’océan, il y en a eu d’autres par la suite… il faudra encore d’autres pour permettre au rite tridentin de retrouver sa juste place dans l’Église.
Extrait du Baptistère
n°13 - Mars - Avril 2005
© Le Baptistère
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